Euro 2022 : Nicky Evrard, la Red Flame devenue star (VIDÉOS)
Quatre. C'est le nombre de buts que se sont pris des Red Flames héroïques à l'Euro 2022 avant de tomber en quarts de finale face à la Suède. En quatre matchs. Un ratio plutôt pas mal pour une équipe qui ne compte que neuf joueuses 100% professionnelles sur les 23 sélectionnées, dont sept titulaires. Mais ce chiffre aurait pu être bien plus élevé sans les prestations trois étoiles de Nicky Evrard. Selon les stats, la Belgique aurait dû encaisser neuf pions de plus sans les envolées de son dernier rempart. Aucune gardienne n'affiche un tel bilan dans le tournoi. Un bilan qui souligne que sans la Belge, bien aidée il est vrai par une défense elle aussi pleine de caractère, les Flames n'auraient pu offrir ce grand frisson estival.
Based on the quality of shots faced on target, the 'average' goalkeeper would have been expected to concede nine more goals than Nicky Evrard did for Belgium at #WEURO2022.
— The Analyst (@OptaAnalyst) July 23, 2022
Her goals prevented total (8.9) is three times higher than the next best at the finals: Mary Earps (3). pic.twitter.com/gD8oIbJn67
A 27 ans, celle qui vient de quitter La Gantoise pour OHL a livré un Euro 2022 tout simplement dantesque. Au point qu'aujourd'hui, on se demanderait presque si elle ne regrette pas d'avoir officialisé son transfert à Louvain quelques jours avant le début des hostilités anglaises. Et si une grande écurie européenne l'avait sondée ? Tant pis, la native de Zottegem n'est sans doute pas du genre à se formaliser de cela, elle qui a fait preuve d'un sang-froid de Viking au moment de repousser un péno contre l'Islande et la France de Wendie Renard.
Oui, sur la route de ce quart de finale historique pour les Flames, Nicky Evrard s'est fait un nom. Et a fait s'arrondir les yeux des observateurs du tournoi au moment de découvrir une incongruité totale : l'ex-Gantoise n'est pas pro. Si elle indiquait au quotidien Het Laatste Nieuws pouvoir vivre de son sport, elle dirige sur le côté une entreprise de location de... châteaux gonflables ! Un job qui fait sourire, mais qui rend ses perfs outre-Manche encore plus dingues, elle qui doit donc jongler avec sa compta et les entraînements en soirée avec les Buffalos. « Plein de gens se marrent et me demandent comment j'ai atterri là-dedans, mais c'est plus facile pour moi qu'un boulot "classique" », justifie la joueuse à Sport/Foot Magazine. « Si l'horaire de demande de location ne me convient pas, alors, je ne loue pas et je peux me concentrer sur l'entraînement ou le match. En plus, le championnat est à l'arrêt durant l'été, alors ... »
Une gardienne moderne
Pragmatique, donc, Nicky Evrard. Et dotée d'un jeu au pied diabolique, au point de faire dire à son coach à Gand Dave Mattheus que « techniquement, elle peut rivaliser avec n'importe quelle attaquante de Super League (le championnat de D1 féminine, NDLR) ». Une technique et un pied gauche délicieux qui lui permettent de parfaitement s'imbriquer dans un football ambitieux à la construction propre. Un atout indispensable qui, combiné à sa faculté à plonger comme un fauve pour sortir ce qui doit l'être, fait d'elle une gardienne sous-estimée à l'étranger. Pas étonnant de la voir idolâtrer l'Allemand Manuel Neuer, le portier qui a révolutionné son propre rôle pour faire du keeper une sortie de libéro new generation.
Mais outre une gardienne aux réflexes de guépard et la meilleure pote des enfants lors des anniversaires, qui est vraiment Nicky Evrard ? Flash-back. Chauffée à tâter du ballon par un papa qui évolue lui-même dans les divisions provinciales en Flandre orientale, Nicky débarque à Gand au milieu de l'adolescence, et accompagne le club jusqu'en BeNeLiga, éphémère championnat opposant les équipes belges et néerlandaises. Si elle prend quelques casquettes, Evrard a au moins l'occasion de se mettre en évidence. Et se fait remarquer par Twente, l'un des mastodontes des Pays-Bas. Un club qu'elle rejoint seulement en 2017, se trouvant trop jeune pour faire le grand saut à l'étranger avant la majorité.
Our personal hero. 💛 Nicky Evrard, what a tournament she has had! 👏 #FLAMETIME #WEURO2022 pic.twitter.com/UdHSKThOdH
— Belgian Red Flames (@BelRedFlames) July 23, 2022
Là-bas, elle apprend la culture de la gagne, elle qui est déjà du genre à râler à la moindre défaite lors des exercices à l'entraînement. « Là, l'objectif, c'était d'être championnes, point barre. Et on m'a fait comprendre que ça se jouait vraiment dans la tête au moment des matchs importants, peu importe le talent dont on dispose à la base », explique-t-elle, toujours à Sport/Foot Mag. Une mentalité qui la change de celle qui l'entourait à La Gantoise, « où c'était un peu "OK, faisons de notre mieux et puis on verra" », mais qui a le don de plaire à cette joueuse qui ne supporte pas de perdre à FIFA quand elle affronte son petit frère ou Shari Van Belle, sa copine et équipière à Gand et maintenant OHL.
A Enschede, elle peut aussi vivre (chichement, dit-elle) de son sport et se concentrer à 100% sur le foot. Une situation qui fait toute la différence, avec des entraînements le matin et de la récup' le soir. En deux ans à Twente, elle remporte le championnat et un transfert en Espagne, à Huelva, un club de fond de classement qui aspire à mieux. Si sur papier, le tableau est idyllique (un club qui prétend avoir des ambitions dans un grand championnat), la réalité s'avère bien moins jolie. Si Nicky se veut discrète sur ce qu'elle a vécu durant ces quelques semaines dans le sud-ouest de l'Espagne, elle évoque des « standards basiques non-respectés ». OK, on n'en saura pas plus, et c'est un retour à Gand pour la joueuse. Un come-back au bercail de deux ans dans une ambiance « familiale » qui lui convient, surtout quelques mois avant l'arrivée d'une déferlante nommée Covid-19.
Il n'empêche, cette mésaventure donne un sacré coup de frein à une carrière qui aurait dû l'emmener dans des clubs du subtop européen. Ses prestations sur les prés anglais cet été ne font d'ailleurs que confirmer ce goût de trop peu. Mais quelque chose a changé dans sa trajectoire. Elle a survécu à l'enfer espagnol, à un Euro 2017 passé dans l'ombre de Justien Odeurs, à une rétrogradation en tant que numéro 2 dans les perches des Red Flames, toujours derrière Odeurs, après un match catastrophique en Suisse en septembre 2020. De tout ça, Nicky Evrard est revenue. Alors pourquoi ne pas l'imaginer passer un an à Louvain avant de filer à l'anglaise à Leicester... le club propriétaire d'OHL ? Un saut de carpe qui serait aussi spectaculaire que ses interventions !